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Menaces sur le guépard

Photos par votre webmastrice et Geneviève Hamelin, merci de sa contribution. Tous droits réservés

En décembre 2016, des chiffres très alarmants sont annoncés dans la presse : il reste moins de 7100 guépards dans la nature. Les derniers guépards d’Asie, en Iran, sont au bord de l’extinction avec moins de 50 survivants. En Afrique, si le félin a encore quelques bastions, les populations sont de plus en plus morcelées et en déclin.

Comment en est-on arrivé là, alors qu’il y a encore un siècle les guépards se rencontraient dans toute l’Afrique, le Moyen-Orient et jusqu’en Inde ? Comment faire pour les sauver ?

Guépard, zoo de la Boissière du Doré - Tous droits réservés (c)Hélène Simon

Une espèce fragile

La première chose à retenir quand on aborde la conservation du guépard, c’est que cette espèce est victime d’une forte consanguinité. En effet, à la fin de la dernière période glaciaire, le guépard a subit ce qu’on appelle un goulot d’étranglement : les effectifs ont été fortement réduits, et en conséquence la diversité génétique a beaucoup diminué. Les millénaires écoulés ont permis de remonter légèrement cette diversité, mais elle ne suffit pas pour maintenir une génétique saine dès que les populations se retrouvent fragmentées. En conséquence, le guépard souffre bien plus vite que d’autres espèces de la dépression de consanguinité : baisse de la fertilité, recrudescence des malformations et troubles génétiques, sensibilité accrue aux maladies. Les guépards touchés meurent plus vite, avec moins de descendants. La consanguinité met donc en danger la survie à long terme de l’espèce.

Guépards, zoo de la Boissière du Doré - Tous droits réservés (c)Hélène Simon

Le deuxième point, c’est la spécialisation extrême du guépard pour la vitesse. Parfaitement adapté à son mode de chasse, qui en fait un des félins les plus performants en chasse (25 à 40% de succès en moyenne, et jusqu’à plus de 80% pour certains types de proies, contre 15 à 38% pour le lion). Il y a toutefois le revers de la médaille : pour être rapide, le guépard est devenu fin et léger. Il n’est pas capable de se battre contre un prédateur plus puissamment bâti que lui, il ne peut que fuir. La principale cause de mortalité naturelle du guépard est la prédation par d’autres grands mammifères carnivores, essentiellement le lion, la panthère et l’hyène tachetée. Des adultes sont occasionnellement tués mais les principales cibles de ces prédateurs sont les jeunes guépards : dans les régions à forte densité de grands carnivores, comme le Serengeti, jusqu’à 95% des guépardeaux meurent avant l’âge de l’indépendance. La moyenne dans toute l’Afrique est d’environ 70% de décès la première année. En contraste, en l’absence totale de prédateurs en captivité, le taux de mortalité des jeunes guépards baisse à moins de 30%.

Guépardeaux, zoo de la Boissière du Doré - Tous droits réservés (c)Hélène Simon

Quand l’homme s’en mêle

Malgré la consanguinité et le très fort taux de mortalité des jeunes, les guépards se portaient relativement bien, avant l’intervention de l’homme ! Les grandes portées compensaient les pertes et le comportement semi-nomade de ces félins permettait un brassage génétique suffisant pour éviter la dépression de consanguinité (dans les populations sauvages saines, malformations et maladies sont très rares).

A cause des humains, les effectifs de guépards ont commencé à diminuer, principalement au cours du 20ème siècle : l’aire de répartition s’est drastiquement réduite, comme vous pouvez le voir sur la carte ci-dessous, et seuls le Sud et l’Est de l’Afrique abritent encore des populations assez importantes (sous-espèces jubatus et raineyi) avec au total plus de 6000 individus, dont 2000 pour la seule Namibie. En Iran et en Afrique du Nord, le guépard est en danger critique d’extinction : moins de 50 en Iran (sous-espèce venaticus), moins de 250 adultes pour chacune des deux populations d’Afrique du Nord (sous-espèces hecki et soemmeringii).

https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Acinonyx_jubatus_distribution_maps#/media/File:Carte_de_r%C3%A9partition_du_gu%C3%A9pard_(Acinonyx_jubatus).png

La première menace venant de l’homme est l’abattage direct des guépards par des humains. Outre la chasse légale (200 individus en 2013), le braconnage reste important. 90% des guépards d’Afrique vivant en dehors des aires protégées, ils rentrent souvent au contact de l’homme et se font tuer par des fermiers qui craignent pour leur bétail. Il existe aussi un commerce de fourrures et parties du corps de guépard pour lequel ils sont braconnés, en particulier au Sahel.

Guépard, Bioparc de Doué la Fontaine - (c) Hélène Simon, tous droits réservés

Quand ils ne sont pas tués, des guépards sont capturés. Les Emirats Arabes Unis et autres pays du Gofle sont en effet friands de guépards apprivoisés. Le commerce illégal de jeunes guépards capturés en Afrique de l’Est est très florissant. On estime que plus de 300 guépards sont capturés illégalement chaque année pour être vendus sur le marché noir des animaux de compagnie exotiques. Moins de 30% de ces félins survivent à la capture puis au voyage. Pour la majorité de ceux qui parviennent à destination, la mort surviendra assez rapidement en raison de mauvais soins. Cette espérance de vie très courte des guépards victimes du trafic illégal fait que la demande ne risque pas de baisser.  

Guépard, zoo de la Boissière du Doré - Tous droits réservés (c)Hélène Simon

Enfin, lorsque les guépards ne sont pas directement tués ou capturés, ils n’ont plus où aller. Les savanes et terres arides dont ils ont besoin sont de plus en plus fragmentées. Avec de moins en moins de territoires et de proies, un isolement de plus en plus fort des populations les unes des autres qui augmente la consanguinité, les guépards sauvages peinent à survivre. Ce manque de zones aptes à accueillir des guépards empêche aussi d’éventuelles réintroductions pour renforcer les populations.

Guépard, Bioparc de Doué la Fontaine - (c) Hélène Simon, tous droits réservés

Comment sauver le guépard ?

Aujourd’hui, le principal acteur pour la sauvegarde du guépard est le Cheetah Conservation Fund (CCF), fondé en 1990 par la biologiste spécialiste mondiale du guépard Laurie Marker. D’autres organisations ont depuis rejoint le mouvement, comme Panthera.

Le premier travail de ces organismes est la recherche : la connaissance de l’espèce est le meilleur outil qui soit pour savoir comment la protéger. Cette recherche s’effectue bien sûr d’abord sur le terrain, grâce à diverses méthodes (observations directes, pièges photographiques, pose de colliers-émetteurs ou GPS, étude des traces, des restes de proies, etc), mais aussi en captivité ! Les guépards des parcs zoologiques permettent en effet d’en apprendre beaucoup sur leur espèce : on peut analyser leur gène, étudier leur cycle de vie et leurs maladies plus facilement qu’à l’état sauvage, ce qui permettra de savoir plus vite quelle est la bonne manière de prendre en charge les individus accueillis par des centres de soin et limiter les pertes. Maintenus dans de bonnes conditions d’espace et enrichissement, les guépards des zoos ont également un comportement très proche de celui de leurs congénères libres, une source précieuse d’informations pour comprendre ces félins.

Exemple d'enclos moderne conçu pour le bien-être des guépards, au Bioparc de Doué la Fontaine - (c) Geneviève Hamelin, tous droits réservés

Exemple d'enclos moderne conçu pour le bien-être des guépards, au Bioparc de Doué la Fontaine - (c) Geneviève Hamelin, tous droits réservés

Une fois les informations acquises, il est essentiel d’éduquer les gens à respecter et protéger. Là encore, les guépards vivant en captivité jouent un rôle important : même dans les régions du monde où ces animaux vivent à l’état sauvage, les gens les voient finalement rarement. La rencontre permet l’intérêt, l’intérêt amène à l’affection, et on a envie de protéger ce qu’on aime. Le CCF a un nom pour ces félins : les guépards « ambassadeurs ». A partir de là, les gens seront plus à l’écoute concernant les menaces et les moyens de sauvegarder le guépard. C’est ce qu’on appelle la sensibilisation à la conservation. Elle peut se faire par des interventions dans des écoles, des zoos, des conférences, ou encore par l’organisation d’événements spécifiques, comme la Journée Internationale du Guépard, le 4 décembre chaque année depuis 2010.

Exemple d'enclos moderne conçu pour le bien-être des guépards, au Bioparc de Doué la Fontaine - (c) Geneviève Hamelin, tous droits réservés

La protection in-situ se fait sur le terrain. Elle s’opère d’abord par la création de réserves naturelles et autres parcs nationaux, avec en parallèle des moyens d’action contre les braconniers dans ces zones. Elle comprend également les programmes de recherche scientifique sur les guépards sauvages, la création de centres de soin pour les orphelins et les animaux blessés, par exemple ceux du CCF en Namibie et au Somaliland, des opérations de réintroduction et des aides apportées aux gens qui partagent leur milieu de vie avec les félins afin qu’ils ne tuent plus les guépards pour défendre leur bétail (chiens de protection, clôtures…). Les fonds proviennent un peu de particuliers et en grande partie des zoos. Les parcs zoologiques du monde entier sont les principaux donateurs pour les programmes de conservation in-situ, qui bien souvent ne tiendraient pas sans cet argent. Nous citerons en exemple la Brigade Félins créée par les associations ACTAG et Wildlife Angels pour veiller sur les lions et guépards du Parc du W, au Niger. Cette brigade est financée depuis 2016 par plusieurs zoos français (Doué la Fontaine, la Boissière du Doré, Beauval, le Pal, la Barben, Ecozonia…).

Guépard, zoo de la Boissière du Doré - Tous droits réservés (c)Hélène Simon

Enfin, le dernier moyen de préserver les guépards est la sauvegarde ex-situ, c'est-à-dire en captivité. Outre la participation de ces individus à la recherche scientifique, mentionnée plus haut, les populations captives sont vitales dans le sens où elles constituent une « roue de secours » : si l’espèce disparaît (totalement ou localement) ou devient trop rare, des animaux nés en captivité pourront être réintroduits et ainsi permettre le maintient à l’état sauvage. Ce type de programme d’élevage, où on s’assure de plus d’une diversité génétique optimale, a déjà sauvé un autre félin, le lynx pardelle, dont les effectifs dans la nature sont remontés de moins de 150 à plus de 500 individus entre 2005 et 2019 grâce aux relâchers de spécimens nés en captivité. Des guépards nés dans des zoos ont déjà été rendus à la vie sauvage. C’est compliqué, car il faut leur réapprendre à chasser et à craindre les humains, mais c’est possible. La reproduction du guépard n’est pas simple, toutefois elle est de mieux en mieux comprise. Des établissements en sont même devenus spécialistes, comme le Safari de Peaugres en France, qui grâce à ses connaissances obtient des naissances presque chaque année. Grâce à tous ces efforts, en 2015 presque 1800 guépards vivaient dans plus de 500 institutions à travers le monde, presque tous nés en captivité (la capture dans le but de mettre dans des zoos des guépards étant interdite depuis les années 1970, seuls quelques orphelins ou blessés inaptes au relâcher peuvent naitre dans la nature puis finir en captivité). Grâce à eux, l’espoir est encore permis de repeupler un jour les régions du monde où le guépard régnait autrefois, dès qu’ils auront espace et proies. 

Guépard, Zoo de Pont Scorff - (c) Hélène Simon, tous droits réservés

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