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La cruauté derrière la beauté : Quid des pelages atypiques en captivité - partie 1

Photos de tigres blancs par moi-même Lena_Panthera, tous droits réservés

Merci à Nicolas Clément, co-administrateur du groupe Facebook Un Monde de Félins, pour ses photos du tigre doré du zoo d'Olmen ( Belgique )

Ils sont magnifiques, ça, c’est certain ! Depuis que les zoos en abritent, ils attirent les foules. Les cirques en font leurs attractions phare. Leur beauté fascine.

Mais le grand public sait-il d’où viennent tigres blancs et autres félins au pelage atypique qui vivent en captivité ? Les gens savent-ils qu’est ce que se cache réellement derrière leur élevage, et pourquoi sont-ils devenus si courants en captivité alors qu’ils sont extrêmement rares voire absents dans la nature ?

Première partie : Tigres blancs et dorés

Deuxième partie : Lions blancs 

Troisième partie : Félins noirs

Tigres blancs

Pour comprendre, il faut commencer par connaître l’histoire des tigres blancs. Il ne s’agit tout d’abord pas d’une espèce, ni même d’une sous-espèce à part ! Les tigres blancs sont atteints d’une mutation génétique appelée leucisme, ou leucistisme, dont des cas ont été recensés chez la plupart des sous-espèces de tigre au cours de l’histoire, mais principalement chez le tigre du Bengale. On estime qu’un tigre du Bengale sur 10 000 naît blanc. C’est vraiment très peu ! Et sur ces 0,01 % de tigres du Bengale nés blancs, très peu atteindront l’âge adulte. Déjà pour les jeunes tigres de couleur normale, moins de la moitié atteignent la maturité… Tout cela pour dire que les tigres blancs sont extrêmement rares à l’état sauvage. Même à l’époque où on comptait encore plus de 100 000 tigres en Asie, il n’y en avait jamais plus de 2 ou 3 blancs recensés, et on n’a plus vus de tigre blanc dans la nature depuis les années 1950. Le taux de survie de ces animaux est faible car leur pelage blanc qui les rend très visible est un handicap dans un milieu forestier. Un tigre blanc sauvage est donc vraiment un cas exceptionnel. Alors comment expliquer qu’en captivité, ils se comptent par centaines ?

TOUS les tigres blancs vivant dans les zoos et cirques du monde entier aujourd’hui descendent d’un unique individu : Mohan, un mâle blanc né à l’état sauvage, capturé en 1951 en Inde, dans l’état de Rewa. Une deuxième lignée est apparue en 1980 dans un zoo dans l’état d’Orissa, mais s’est aujourd’hui perdue. Mais revenons à Mohan.

Une fois adulte, Mohan a été accouplé avec une tigresse ordinaire, Begum, dans l’espoir d’obtenir des tigreaux blancs. Mais tous les petits étaient de couleur normale ! C’est que la mutation à l’origine de la couleur blanche est récessive, et les deux parents doivent donc en être porteurs pour qu’un petit naisse blanc. Deux tigres blancs donneront 100 % de bébés blancs, et deux tigres roux porteurs du gène 25% de bébés blancs. On a donc ensuite accouplé Mohan à Radha, une de ses filles, et de cette union sont nés les premiers tigres blancs en captivité ! Afin de poursuivre une lignée composée entièrement de tigres blancs, on a continué d’accoupler Mohan avec ses filles, petites-filles… Une fois un nombre suffisant atteint, on a aussi croisé frères et sœurs, mères et fils, oncles et nièces, etc... De nombreux accouplements consanguins, dans un unique but : perpétuer le gène.

Ces tigres blancs du Bengale, purs Bengale certes mais hautement consanguins, existent toujours en Inde, où on recense une centaine d’individus. En dehors d’Inde, les tigres blancs ne sont pas de purs Bengales, mais des hybrides. Deux frères tigres de Sibérie apparemment porteurs du gène blanc sont nés dans un zoo du Minnesota, aux Etats-Unis. Leurs parents, frère et sœur, étaient de purs tigres de Sibérie capturés dans la nature. L’un des deux frères a été accouplé à Susie, une tigresse blanche descendante de Mohan. De leur union sont nés en 1966 un mâle, Raja, et une femelle, Sheba II. Frère et sœur, accouplés, ont donné naissance à plusieurs tigreaux blancs. Une autre tigresse blanche du Bengale, Mohini, fille de Mohan offerte aux Etats-Unis par l’Inde, a ensuite été introduite dans cette lignée. Tous les tigres blancs en dehors d’Inde descendent de Raja et Sheba II, et même quasiment tous d’un seul de leurs fils blancs, nommé Tony, né en 1973.

Où est le problème, me direz-vous ? L’homme, par l’élevage, a réussi à fixer le gène du leucistisme, et on peut désormais admirer dans le monde des centaines de tigres blancs. Ils sont devenus tellement nombreux qu’il est désormais difficile de remonter les lignées, et ce encore plus dans les cirques que dans les zoos. On recense aujourd’hui plus de 300 tigres blancs dans les zoos du monde ( officiellement ! ), et probablement encore plus dans les cirques et même chez des particuliers. Le problème de tous ces félins, c’est qu’ils descendent tous d’un seul mâle blanc capturé dans la nature en 1951 : Mohan. Un unique ancêtre récent, pour des centaines de tigres. Leur problème, c’est la consanguinité, ces nombreux accouplements incestueux qui ont été nécessaires pour fixer le gène et n’obtenir que des individus blancs. Tous les tigres blancs en souffrent à un degré plus ou moins important.

Pourquoi la consanguinité est-elle un fléau ? Parce que patrimoine génétique des tigres blancs captifs est extrêmement réduit. Cela les rend fragiles, et sujets à de nombreux problèmes de santé. La majorité des tigres blancs captifs souffrent ainsi de strabisme, ils louchent de façon plus ou moins visible. Chez les purs Bengale des zoos d’Inde, le strabisme est rare, mais en dehors de ce pays, dans la lignée hybride Sibérie x Bengale où le taux de consanguinité est encore plus important, il s’avère que les félins ont tous le nerf optique connecté au mauvais côté du cerveau, et donc louchent. D’autres problèmes incluent : fragilités cardiaques, scolioses et autres déformations de la colonne vertébrale, pattes anormalement courtes, tendons fragiles, déformations des pattes, du crâne… Les tigres blancs meurent aussi en moyenne plus jeunes que les tigres normaux.

Et pourtant, malgré tous ces problèmes, on continue de reproduire des tigres blancs, et de les présenter comme des animaux exceptionnels ! Ce qu’ils ne sont pas ! Les tigres blancs ne sont pas une race à part, mais une simple anomalie génétique. Ce ne sont même pas de vrais tigres du Bengale, mais tous des hybrides hors d’Inde. Ils ne sont pas non plus sains, car la consanguinité les fait souffrir de nombreux problèmes de santé. Enfin, ils ne sont même plus rares, mais aujourd’hui des centaines de par le monde ! Rien qu’en France, aujourd’hui en 2015, une douzaine de zoos abritent aujourd’hui des tigres blancs, pour un total de près de 30 individus…et on ne compte pas ceux des cirques !

Le grand public ignore bien souvent quels problèmes se cachent derrière l’origine des tigres blancs en captivité. Ils ne voient que l’animal et sa beauté, pas la cruauté derrière la beauté…

Tigres dorés

Les tigres dorés sont atteints d’une autre mutation appelée rufisme, ou rufinisme. On a connu des cas dans la nature, mais encore plus rares que les tigres blancs ! Le gène a un fonctionnement en effet encore plus complexe que celui du leucistisme, et a été plus difficile à fixer.

Tigre doré du zoo d'Olmen - Photo par Nicolas Clément, tous droits réservés

Les tigres dorés semblent liés aux tigres blancs. Un des premiers tigres dorés en captivité, une femelle nommée Sona, est en effet née au sein de la lignée hybride de tigres blancs, en 1987, d’un accouplement entre frère et sœur qui avait déjà donné un autre tigreau doré en 1983. D’autres naissances avaient eu lieu en Inde, de deux tigres du Bengale normaux, en 1979, mais ces tigres dorés sont restés sans descendance. Sona est l’ancêtre fort probable de TOUS les tigres dorés d’aujourd’hui. On a tenté de perpétuer le gène en accouplant Sona à un de ses frères. Deux jeunes tigres dorés sont nés de cette union en 1991. Presque 25 ans plus tard, on compterait une cinquantaine de tigres dorés dans les zoos d’Europe, Amérique du Nord et Australie, et un nombre inconnu, sans doute plus important, dans les cirques. Ces félins connaissent un fort succès dans les cirques ces dernières années : de seulement 3 en France en 2010, ils sont passés à plus d’une dizaine en 2015.

 

Mais le problème est que, issus qui plus est d’une lignée de tigres blancs déjà frappée par des croisements incestueux, les tigres dorés sont encore plus consanguins, encore plus fragiles. Corps massif, pattes anormalement courtes, grosse tête, une morphologie fréquente chez ces animaux et indicatrice de consanguinité. Les tigres dorés sont très fortement consanguins, et en souffrent : problèmes au niveau du bassin et de la base de la colonne vertébrale en particulier sont très fréquents chez eux et ils sont plus fragiles que les tigres normaux. Le prix de la beauté…

Tigre doré du zoo d'Olmen - Photo par Nicolas Clément, tous droits réservés

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