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Les félins et l'amour

Photos par votre webmastrice. Tous droits réservés
 

Dans la majorité des livres, des films documentaires, des articles, etc, on vous dira que les félins, en dehors des lions, sont des animaux solitaires, qui ne se rencontrent une fois adultes que pour se reproduire, et que les relations sociales se limitent à la mère avec ses petits, ou aux jeunes entre eux tant qu’ils ne sont pas indépendants.

Que nenni ! On vous dit cela, mais il ne s’agit que d’idées reçues. Les félins sont largement plus sociables que ce qu’on a cru jusqu’à très récemment. Qu’il soit de couple ou familial, l’amour occupe une place importante dans la vie des félins. Partons donc à la découverte des réalités de leur vie sociale et affective !

Lionne d'Angola et son lionceau de 6 mois, Mervent - Tous droits réservés

 

Pour commencer : c’est quoi l’amour ?

Ah, l’amour ! On se fait de nombreuses idées sur ce sentiment. Dans sa définition de base, l’amour est un sentiment d’affection et d’attachement. Il ne s’agit donc pas que de l’amour dans le couple dont nous parlerons dans cet article, mais également de l’amour parental, fraternel et familial de façon plus général.

Câlin entre un couple de tigres de Sumatra, Doué la Fontaine - Tous droits réservés

 

Amour en couple

On vous a dit que chez les félins, les relations entre mâles et femelles avaient un but purement reproductif. Ils se voient pendant les chaleurs de la femelle, qui prend le premier venu, ou le plus fort si bagarre entre deux mâles. Pas très romantique ! Dans cette conception, pas vraiment de choix pour la femelle, et aucune notion d’affection. En réalité, les femelles félins, lorsqu’elles sont en chaleurs, peuvent se montrer très difficiles dans le choix d’un mâle, et celui-ci avant de passer à l’action doit obtenir le consentement de sa potentielle partenaire. La polygamie est monnaie-courante, surtout chez les mâles, mais même dans ce cas rien ne les empêche d’avoir leurs femelles préférées, avec lesquelles ils passeront davantage de temps, y compris hors périodes de reproduction ! Une certaine forme de monogamie existe également, avec des couples qui restent formés pendant plusieurs années (mais rarement toute la vie dans la nature, avec les nombreux aléas de la vie sauvage). Cet attachement entre les deux individus se manifeste par des chasses partagées, des démonstrations d’affection comme la toilette mutuelle ou dormir ensemble, et même des accouplements hors périodes de reproduction. En captivité, où la vie des félins, sans les soucis liés à la survie (chasse, concurrents), peut davantage se concentrer sur les liens avec les autres, on voit même des couples tellement attachés que lorsqu’un des deux meurt, l’autre le suit très peu de temps après, n’ayant probablement pas supporté le choc de la séparation. Cela arrive surtout chez des félins très âgés, qui auront donc vécu avec leur partenaire pendant de nombreuses années.

Couple de lions, Refuge de l'Arche - Tous droits réservés

Quand on vous dit que cela va plus loin que le simple besoin de se reproduire… Saviez-vous que l’homosexualité et la bisexualité étaient très répandues chez les félins ? Les scientifiques qui étudient les lions de Tanzanie ont même pu constater que jusqu’à 8% des accouplements se faisaient entre animaux du même sexe ! Dans la nature autant qu’en captivité, des relations homosexuelles ont été constatées chez le chat domestique, le guépard, le lion, le tigre, la panthère…autant entre mâles qu’entres femelles. Pourquoi ces comportements ? On a évoqué l’hypothèse de démonstrations de dominance, surtout entre mâles, mais il est clair que cela ne peut pas s’appliquer dans tous les cas. Pour revenir aux lions de Tanzanie, les scientifiques ont constaté que ces accouplements homosexuels avaient souvent lieu lorsque les deux individus se retrouvaient après une séparation ou un moment de stress. L’accouplement pourrait être un moyen pour les félins pas uniquement pour se reproduire, mais également montrer leur affection tout en se détendant. Cette explication pourrait aussi donner un éclaircissement sur la pratique continue de l’accouplement hors périodes de chaleurs, chez les félins stériles (de naissance ou stérilisés par opération) ou sous contraceptifs, ou encore chez les femelles ménopausées…car oui, la ménopause existe aussi chez les félins âgés ! Ce qui ne les empêche pas de continuer à avoir une activité sexuelle. L’attachement, l’affection, l’amour, au-delà du simple besoin de reproduction, justifie ces comportements.

Accouplement entre 2 lynx boréaux...mâles ! Jurques - Tous droits réservés

 

Amour paternel

Vous avez bien lu, ce paragraphe ne parlera pas de l’amour maternel, évident chez des espèces dont l’essentiel de l’élevage des petits incombe à la mère mais…justement, elle ne s’en charge pas seule non plus comme on le pense pourtant souvent ! Les lions ne sont pas non plus les seuls félins à être de bons pères.

Depuis les années 1990, les études menées sur les tigres en particulier ont ainsi révélé que de nombreuses idées étaient fausses. Les tigres ne sont pas du tout de grands solitaires ! Le constat le plus étonnant pour les scientifiques de l’époque a été de voir que les tigres mâles prenaient au sérieux leur rôle de père. Ils ne se contentent pas de protéger leur territoire, sur lequel vivent aussi leurs petits, de l’intrusion d’autres mâles. Les pères tigres rendent régulièrement visite à leur famille, lorsqu’ils en repèrent la proximité, partagent leurs proies et des moments d’affection avec leurs compagnes et leurs bébés. Plus même, en 2011 un mâle tigre du Bengale de la réserve de Ranthambore a créé l’évènement : après la mort de leur mère, on pensait que 2 petites tigresses de 6 mois, livrées à elles-mêmes à peine sevrées, étaient condamnées, mais c’était sans compter sur leur père ! Dollar a retrouvé ses filles, les a nourries et leur a appris à chasser. Il s’en est occupé avec dévouement, jusqu’à abandonner une partie de son territoire à d’autres mâles, jusqu’à ce qu’elles atteignent l’âge adulte, prouvant ainsi que les tigres aussi pouvaient avoir la fibre paternelle.

Tigre mâle et son petit de 5 mois, la Boissière du Doré - Tous droits réservés

Les tigres sont de bons pères, mais ce ne sont pas les seuls félins dans ce cas. Jaguarondis, chats léopards, kodkods, panthères,… Les observations de félins mâles en compagnie de leurs familles, et même participant à l’élevage des chatons, sont loin d’être marginales. Il n’y a qu’à voir en captivité, lorsque la pression de devoir chasser pour se nourrir n’existe plus, combien de félins mâles s’avèrent d’excellents pères ! Cet amour paternel pourrait même n’être que la partie émergée d’un iceberg encore secret, celui de l’étendue de la vie sociale des félins.

Jeu entre une jeune panthère noire et son père, la Boissière du Doré - Tous droits réservés

 

Amour familial

En dehors des lions, les félins peuvent-ils être des animaux sociaux, capables de vivre en groupe familiaux, des troupes ? Une expérience très intéressante à ce sujet est menée par l’association Wild Cats World dans son sanctuaire en Afrique du Sud, avec un félin emblématique réputé grand solitaire : la panthère. L’expérience a débuté avec deux individus, frère et sœur : Felix et Feline. Sont ensuite arrivés deux autres jeunes félins, non apparentés entre eux ni avec les deux précédents : une femelle, Felicia, et un mâle, Felipe. L’idée était de faire d’eux des ambassadeurs de leur espèce, de montrer « the social side of the leopard » (« le côté sociable de la panthère »), et si des petits naissaient, les laisser grandir dans le groupe formé et pas seulement avec leur mère. Felix et Feline se sont vite entendus avec Felicia et Felipe. Une fois pleinement adultes, deux couples se sont formés : une petite femelle, Olive, est née de l’union de Feline et Felipe, et un bébé mâle, Solo, de celle de Felicia et Felix. Mères à 2 mois d’intervalle, Feline et Felicia ont élevé leurs petits ensembles, comme des lionnes au sein d’une troupe ! Olive et Solo grandissent comme sœur et frère. Quant à Felipe et Felix, ils se sont révélés d’excellents pères et « oncles », s’occupant aussi bien des deux petits. Les deux mâles ne sont pas apparentés, mais un lien fort s’est créé entre eux comme entre les femelles et entre les couples. Felix et Felipe montrent même ces comportements homosexuels dont nous avons déjà parlé, probablement marque d’affection plus que de dominance. Les six panthères évoluent donc ensemble comme une troupe. Même dans leur immense installation, où il serait facile de s’isoler, ils préfèrent rester ensemble. Les panthères sont bien des félins sociables. On peut dire que l’expérience de Wild Cats World est un succès !

Couple de panthères noires et leur petit de 2 mois, la Boissière du Doré - Tous droits réservés

Ce groupe de panthère vit en captivité, où, comme nous l’avons déjà dit, l’absence du besoin de se disperser pour trouver des ressources suffisantes de nourriture facilite les interactions sociales, mais dans la nature également ces félins ont le sens de la famille. On peut ainsi citer l’exemple de la famille d’Olive, une panthère africaine de la réserve du Masai Mara suivie toute sa vie (2000-2013) par des chercheurs. Olive les a un jour fortement surpris en quittant deux jours entiers ses petits pour partir à la recherche…d’un mâle ! Elle s’est accouplée avec lui, et les chercheurs ont pensé qu’elle était retombée en chaleurs après avoir perdu sa portée. Pas du tout ! Le troisième jour, la voilà revenue auprès de ses bébés, en compagnie du mâle, qui s’est avéré être leur père et a par la suite protégé le territoire sur lequel évoluait la famille des autres mâles. Les tigresses suivies longtemps en Inde ou en Russie, ainsi que les lionnes isolées, observent le même stratagème. Pour revenir à Olive, on a aussi vu une de ses filles devenue adulte, Ayah, rester en compagnie de sa mère pour élever son petit frère de la portée suivante, un comportement également observé chez d’autres félins réputés solitaires, comme le guépard ou le tigre.

Câlin entre une jeune panthère des neiges et son père, la Boissière du Doré - Tous droits réservés

Pour terminer, après le décès d’Olive, c’est sa plus jeune fille qui a hérité de son territoire. Chez tous les félins bien étudiés aujourd’hui, avec des familles suivies sur plusieurs générations, on a constaté ce phénomène : lorsqu’elles vieillissent et n’élèvent plus de nouvelle portée, les femelles acceptent de partager leur territoire avec une de leurs filles, qui héritera de ces terres une fois sa mère décédée. Dans certains cas, comme on a pu l’observer en Inde dans la réserve de Ranthambore avec la tigresse Machli, la vieille femelle va même abandonner le territoire riche en proies à une de ses filles avant de mourir, et se réinstaller sur des terrains plus pauvres. Machli n’est décédée que quatre ans plus tard, de vieillesse (voir article consacré à cette tigresse exceptionnelle). Egalement chez les tigres d’Inde, surtout des réserves de Bandhavgarh et Ranthambore, félins « solitaires » peut-être les mieux étudiés sur la durée, on a pu voir un autre comportement : la transmission d’un territoire non de mère en fille, mais de père en fils. Dans le cas présent, le mâle vieillissant partage d’abord du temps avec un de ses fils devenu adulte. On a vu par exemple, documenté dans la série Ushaïa Nature, un vieux mâle trouver en compagnie de son fils une tigresse en chaleur, s’accoupler avec elle, puis laisser son fils s’accoupler à son tour avec la femelle. Une fois le vieux mâle décédé, son fils hérite du territoire comme des femelles.

Couple de tigres de Sumatra et leurs petits, Doué la Fontaine - Tous droits réservés

 

De la sociabilité des félins

Que peut-on retenir de tout cela ?

Les félins, en dehors des lions, sont réputés grands solitaires, mais les observations des chercheurs nous prouvent de plus en plus que c’est totalement faux. TOUTES les espèces de félins ayant faits à ce jour l’objet d’études approfondies sur la durée se sont avérées sociables, avec un sens de la famille et même du couple plutôt développé. Les félins ont de l’affection pour les leurs, et leurs manifestations de cet amour de couple, parental ou fraternel nous étonnent parfois. Pourtant, n’est ce pas dans un sens normal ? Les félins sont des espèces intelligentes. Ils peuvent éprouver des sentiments forts, même s’ils ne perçoivent pas le monde de la même manière que les humains et que leurs sentiments sont sans doute de ce fait éprouvés différemment. La nature a créé l’affection, l’amour, pour que des individus de la même espèce prennent soin les uns des autres. Lorsqu’un couple fonctionne et éprouve de l’affection mutuellement, ils protégeront ensemble leurs petits, auxquels ils sont aussi attachés. L’amour familial renforce les liens entre les individus et en se protégeant les uns les autres, ils augmentent sans forcément en être conscients les chances de survie de leur lignée.

Accouplement entre 2 panthères des neiges, Doué la Fontaine - Tous droits réservés

C’est sans doute une des raisons de leur succès, ce fort instinct de protection qui résulte de l’affection optimisant les chances de survie de la lignée, si pas celles de l’individu lui-même. Les félins savent aimer.

Tigresse et son tigreau de 3 mois, la Boissière du Doré - Tous droits réservés

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