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Les adieux du guépard d'Asie

Photos Wikimedia Commons

Les adieux du guépard d’Asie

Janvier 2022. Le vice-ministre iranien chargé de l’environnement et la biodiversité annonce une triste nouvelle : il ne reste plus que 12 guépards à l’état sauvage en Iran. Cette poignée de félins, ainsi que 3 individus en captivité, sont les derniers guépards d’Asie (Acinonyx jubatus venaticus). Trop peu nombreux et souffrant déjà de consanguinité, ils ne forment pas une population viable, et le guépard d’Asie aura probablement le triste privilège d’être le premier félin à s’éteindre au 21ème siècle.

By Tasnim News Agency, CC BY 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=47584523

Le déclin du guépard d’Asie

Le guépard d’Asie se rencontrait autrefois d’Israël à l’Ouest jusqu’en Inde à l’Est, et du Caucase au Nord jusqu’au Yémen au Sud, une vaste aire de répartition ! Au début des années 2000, pourtant, il n’existait plus qu’en Iran.

Carte de répartition du guépard en 2010 - By Al Pereira puis traduit par Deliryc64 - File:Cheetah range - 2.png by Al Pereira, caption translated by Deliryc64, Transferred from fr.wikipedia to Commons by Alchemica using CommonsHelper., Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=34595102

La principale raison du déclin du guépard pendant le 20ème siècle : la chasse.

Il ne s’agissait pas forcément de tuer l’animal, mais aussi de le capturer, comme ce fut le cas en Inde. Des guépards dressés ont longtemps été utilisés en Inde pour chasser les antilopes. Les grands seigneurs pouvaient en avoir des centaines ! Problème : la reproduction du guépard est complexe, et n’est maîtrisée en captivité que depuis quelques décennies. Pour continuer d’avoir des guépards dressés pour la chasse aux antilopes, il fallait en capturer toujours plus dans la nature. Dès les années 1910, les guépards sauvages étaient devenus si rares dans le pays que les princes indiens importaient des félins d’Afrique pour les dresser. Les derniers guépards connus pour sûr en Inde, 3 individus, ont été abattus en 1948.

Les derniers guépards connus en Inde - By Private Secretary to Maharajah Ramanuj Pratap Singh Deo - Journal of Bombay Natural History Society Vol. 47, Page 719 (1948)., Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=11535867

En Afghanistan l’espèce est considérée comme éteinte dès les années 1950, même si deux peaux sont vues sur un marché en 1971 et 2006, mais elles pouvaient provenir de guépards morts depuis longtemps. L’espèce est déjà très rare en Asie centrale dans les années 1930 et les dernières observations se feront au début des années 1980, puis plus rien jusqu’en 2014, lorsqu’un individu isolé est repéré au Turkménistan après avoir traversé la frontière du pays avec l’Iran. Les guépards disparaissent d’Israël vers le milieu du 20ème siècle, avec une dernière observation recensée en 1946. 2 guépards sont tués en Arabie Saoudite en 1973, un à Oman en 1977, puis plus aucun ne sera repéré dans la péninsule arabique. C’est en Iraq que le guépard semble avoir tenu le plus longtemps avant de disparaître, avec un dernier individu connu tué par une voiture en 1991. Dans tous ces pays, la chasse excessive du guépard lui-même ou de ses proies est la principale cause de disparition.

Jeunes guépards d'Asie en captivité en Inde en 1897 - By Major G S Rodon - Photograph by Major G.S. Rodon at Dharwar, 17th August 1897, published in Journal of the Bombay Natural History, Vol XI., Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3216967

       L’Iran, ultime refuge

Lorsque le 21ème siècle s’ouvre, il n’existe plus qu’une quarantaine de guépards d’Asie, et tous vivent dans un seul pays : l’Iran. Des iraniens soucieux de préserver ces félins en danger critique d’extinction créent en 2001 l’Iranian Cheetah Society (ICS), association dédiée à l’étude et à la sauvegarde du guépard d’Asie et des autres grands carnivores d’Iran, comme la panthère de Perse. L’ICS va au contact des populations vivant dans les derniers refuges des guépards pour les informer, et ainsi les convaincre de ne pas tuer ces félins. Elle va aussi créer des points d’eau dans le désert pour aider les animaux à survivre à l’aridification de leur milieu, financer et former des brigades de rangers pour lutter contre le braconnage, et bien sûr mettre en place un programme d’étude des guépards dans leur milieu naturel, pour mieux les connaître et, grâce à l’installation à partir de 2012 de pièges photographiques dans les réserves fréquentées par les félins, essayer de recenser chaque individu.

By Tasnim News Agency, CC BY 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=47589354

Grâce à tous ces efforts, la population augmente, et entre 2011 et 2013 ce sont 84 individus qui sont connus dans 14 aires protégées différentes, mais l’inquiétude reste de mise car seulement 3 groupes sont reproducteurs.

En 2014, l’Iran tente d’alerter le monde sur le sort du guépard d’Asie en faisant figurer sur les maillots de son équipe nationale le portrait d’un guépard lors de la coupe du monde de football. Malheureusement, cela ne semble pas avoir ému les foules…

A cette période, 3 populations étaient connues, avec une plus importante au Nord-Est de l’Iran et de plus petites au centre et à l’Ouest du pays. Plus aucun guépard ne sera revu à l’Ouest après 2013, et plus aucune reproduction au Sud après 2012. En 2017, le nouveau déclin se confirme avec moins de 50 guépards recensés dans 5 aires protégées, la plus grande population restant celle du Nord-Ouest avec 26 individus. Cette population, répartie entre le Refuge de vie sauvage de Miandasht et la Réserve de biosphère de Touran, avec quelques déplacements de guépards entre les deux, est alors la dernière à se reproduire, mais est aussi en déclin. La dernière femelle connue à Miandasht meurt percutée par une voiture en 2016. En novembre 2018, le dernier mâle subit le même sort, et plus aucun guépard ne sera recensé à Miandasht depuis. Touran est donc le dernier endroit où les guépards d’Asie se reproduisent encore, avec 4 guépardeaux repérés en 2021, en 2 portées. 2 des 3 dernières femelles de la sous-espèce se sont donc reproduites, mais cela ne suffira pas, même si tous les petits survivent.

By N.Farid - Own work, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=33206175

            Une sous-espèce condamnée

Il ne reste donc en janvier 2022 que 12 guépards d’Asie à l’état sauvage, presque tous dans la réserve de Touran. Ces dernières années, plusieurs sont morts percutés par des voitures, tous luttent pour trouver des proies de plus en plus rares, et de l’eau dans une région qui s’assèche toujours plus. Ils sont aussi victimes de braconnage, car même si les éleveurs désormais informés s’en prennent moins à leurs voisins prédateurs pour défendre leurs troupeaux, les femelles avec leurs petits sont particulièrement ciblées en raison de la demande de jeunes guépards pour le commerce illégal mais lucratif de ces félins comme animaux de compagnie exotiques. Cela explique que sur les 12 restants, 3 seulement sont des femelles.

By Tasnim News Agency, CC BY 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=47589175

Avec si peu de reproducteurs, la diversité génétique des guépards d’Asie est extrêmement faible, ce qui rend la population non viable à long terme, même si on parvient à la protéger, et contrairement aux guépards africains, les guépards d’Asie ne pourront pas être sauvés par une réintroduction d’individus nés en captivité pour ramener de la diversité génétique. Il n’existe en effet que 3 guépards d’Asie en captivité : Kushki, Delbar et Iran, 1 mâle et 2 femelles, tous rescapés du braconnage. On tente de les faire se reproduire depuis qu’ils sont en âge, mais si Delbar a été une fois gestante, elle a perdu la portée. Les 3 guépards ont été déplacés en 2019 dans un espace de semi-liberté en bordure de la réserve de Touran, mais entre l’âge déjà avancé de Kushki et les difficultés générales de reproduction des guépards en captivité, cela n’a pour le moment rien donné. Et même si Delbar et Iran donnaient naissance à des petits qui pourraient être relâchés, cela ne serait qu’un sursis, là encore en raison d’une diversité génétique trop faible pour que la population soit viable sur le long terme.

Combien de temps reste-t-il au guépard d’Asie ? C’est difficile à dire. Cela dépendra de la capacité des iraniens à sauvegarder les derniers individus dans leur ultime refuge de la réserve de Touran. Toutefois, même s’ils y parviennent, la population n’est pas viable, et il n’existe aucune possibilité de remédier au manque de diversité génétique. Le guépard d’Asie nous fait aujourd’hui entendre son chant du cygne…

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/ab/Kooshki_%28Iranian_Cheetah%29_03.jpg

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