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Le mensonge du pay-to-play

Photos Wikimedia Commons

Qui n’a jamais craqué devant les images d’un adorable bébé félin ? Qui n’a jamais rêvé de prendre un jour un tigreau ou un lionceau dans ses bras ? Qui n’a pas souhaité, pour cela, de devenir soigneur dans un zoo ou vétérinaire pour animaux sauvages ?

Et puis se sont mis à émerger des endroits où vous pouvez faire cela. Des bébés félins ! Prêts à être câlinés et biberonnés ! Une fois que vous aurez payé… Pay-to-play, ce terme anglo-saxon signifie « payer pour jouer » et désigne ce type d’activité d’interactions avec des bébés animaux d’espèces sauvages. Un rêve devenu réalité semble-t-il pour les gens qui peuvent toucher ces adorables petits. S’ils savaient… Se sont-ils seulement demandé d’où venaient ces jeunes félins ? Sont-ils conscients du sombre trafic qui s’orchestre en coulisses ?

D’où viennent les bébés ?

La question qui devrait immédiatement germer dans la tête des gens : où est la mère des petits ? Quand on demande aux propriétaires des lieux d’où viennent les bébés félins, pourquoi ils ne sont pas avec leurs mères, on vous servira toujours les mêmes refrains : « la mère n’a pas su s’en occuper », « elle n’avait pas assez de lait », « les petits ont été abandonnés ». L’action d’avoir élevé ces jeunes « abandonnés » au biberon prend alors l’allure d’un sauvetage. Le hic, c’est qu’on vous ment.

En réalité, il est rare qu’une tigresse, lionne ou toute autre femelle félin abandonne ses petits. Cela peut arriver dans le cas des femelles primipares (première portée) : des bébés morts-nés, trop faibles, ou abandonnés par la mère. Cette première portée souvent déconcerte la femelle, qui ne comprend pas totalement ce qui lui arrive, et dont l’instinct maternel peut ne s’être pas, ou pas totalement, réveillé. Dans la quasi-totalité des cas, elle s’occupera en revanche très bien de sa deuxième portée et des suivantes. Le nombre de bébés délaissés par leur mère est donc faible, et sur ce petit nombre d’abandons réels, la majorité des petits meurent rapidement. Il est donc tout bonnement impossible d’avoir en permanence plusieurs jeunes félins de moins de 6 mois disponibles pour le pay-to-play en ne prenant que des abandons. Alors d’où viennent-ils ?

Puisque les femelles félins n’abandonnent en réalité que rarement leurs petits, la solution trouvée par ceux qui proposent du pay-to-play est très simple : retirer volontairement les bébés à leurs mères. Les femelles deviennent de simples reproductrices, des « machines à bébés » privées par l’homme de leur droit naturel d’élever leur progéniture. De plus, à cause du traumatisme créé par la perte de sa portée, la femelle retombera rapidement en chaleurs. Quelle aubaine ! C’est ainsi que certaines enchaîneront jusqu’à 3 portées en une seule année, alors que le cycle naturel pour une tigresse ou une lionne est d’une portée tous les 18 à 36 mois. Si le délai de 18 mois minimum entre deux portées n’est pas respecté, la santé de la femelle va vite s’en ressentir. Cela peut aller jusqu’à la mort d’épuisement… Pour celles qui survivent à ce traitement, leur organisme fragilisé sera beaucoup plus sensible aux maladies, et le taux anormalement élevé d’hormones dans leur corps causé par les gestations rapprochées facilite l’apparition de tumeurs mammaires cancéreuses. Autant dire qu’elles ne vivent quand même pas bien vieilles !

 

Les méfaits de l’imprégnation

TOUS les bébés félins proposés pour le pay-to-play sont donc privés de mère, et soumis à ce qu’on appelle l’imprégnation par l’homme. Le traumatisme de la séparation va en effet les faire s’attacher à l’être qui s’occupera d’eux ensuite : l’humain. Même né dans un zoo, un tigreau ou lionceau de 2 ou 3 mois élevé par sa mère ne se laisse pas toucher facilement ! Pour obtenir la docilité nécessaire au pay-to-play, tous les petits sont imprégnés. Ils sont élevés au biberon, et de cette manière considère l’être humain comme leur parent. Ils ne savent pas qu’ils sont des tigres ou des lions !

Le problème est justement là : ils ne savent pas à quelle espèce ils appartiennent réellement. Sans modèle adulte de leur propre espèce, et alors qu’ils se rendent compte qu’ils sont différents des humains car ils ne sont pas capables de les imiter en tout, ils sont en manque de repères. Privés de parents félins, ces petits ne vont pas non plus recevoir l’apprentissage des codes sociaux, du « langage » de leur espèce. Le résultat ? Adultes, ces félins perdus, sans repères, souffriront très souvent de troubles du comportement. L’absence d’apprentissage des codes sociaux rendra aussi leur intégration avec des félins non-imprégnés très difficile, voire impossible.

Même de jeunes félins non-imprégnés dans leurs premiers mois de vie, la séparation trop tôt de la mère peut causer des méfaits identiques : troubles du comportement, impossibilité de communication avec des congénères « normaux »… C’est qu’il faut savoir qu’il existe deux sevrages ! Le sevrage alimentaire a lieu chez les grands félins à environ 6 mois. A partir de cet âge, l’animal cesse de boire du lait pour se nourrir uniquement de viande. L’étape suivante est moins visible au premier abord, mais tout aussi essentielle : le sevrage affectif. Il se fait entre 10 et 18 mois, progressivement. C’est l’âge auquel le jeune félin prend de l’indépendance vis-à-vis de sa mère, se débrouille de mieux en mieux seul, et a acquis l’apprentissage des codes sociaux. On peut « récupérer » un bébé imprégné si on le remet en contact avec des adultes non-imprégnés de son espèce avant l’âge d’1 an. Mais si le félin de moins d’1 an n’a connu que l’homme, il reste imprégné, « dénaturé », perdu dans sa tête et pour son espèce.

Ces problèmes, les organismes de pay-to-play et les dresseurs de cirque s’en fichent. Ce qu’ils veulent, ce sont des animaux dociles ! Le degré de docilité recherché, seule l’imprégnation peut l’apporter. Toutefois, vous remarquerez que presque toujours, les félins avec lesquels vous pourrez interagir ont moins de 3 ans. Pourquoi ? La maturité sexuelle arrive chez tigres et lions entre 3 et 4 ans. Beaucoup deviennent alors difficilement gérables. D’après les chiffres de l’association PETA, pour chaque tigre ou lion adulte dressé présenté au cirque, ce sont 30 félins qui ont été écartés du circuit entre leur naissance et la maturité sexuelle, car « non présentables » ou « inaptes »…

 

Que deviennent les félins ?

Je vous parlais du cirque, à juste titre… Dans les pays occidentaux (Amérique du Nord, Europe), la grande majorité des bébés félins proposés au pay-to-play finiront leur vie dans un cirque s’ils restent suffisamment dociles une fois adultes. De plus, si aux Etats-Unis il existe des éleveurs spécialisés dans l’approvisionnement en bébés félins des centres de pay-to-play, de telles structures n’existent pas en Europe. Il y a bien quelques reproducteurs en général, mais pas assez pour avoir en permanence des bébés très jeunes, les plus attirants. On va donc se fournir au cirque, et une fois le sevrage alimentaire passé les jeunes retourneront au cirque. On en aura profité au passage pour se faire pas mal d’argent sur leur dos, en servant aux touristes toujours les mêmes fables : « ils viennent d’un zoo où on ne pouvait pas s’en occuper », « ils partiront dans un zoo », « ils rejoindront un sanctuaire ». Vraiment ? La capacité d’accueil des zoos et refuges n’est pas suffisante, et qui plus est certains pelages atypiques du tigre courants dans le pay-to-play (doré, blanc sans rayures) sont quasiment absents dans les zoos européens…mais fréquents dans les cirques ! Indices visibles du mensonge. Les félins « non présentables » (souvent des malformations causés par les croisements consanguins) sont euthanasiés, les « inaptes au dressage » subissent le même sort ou sont revendus à des particuliers…

Si lors d’un voyage en Afrique ou en Asie on vous propose de câliner un bébé félin, refusez également. En Afrique, Afrique du Sud surtout, les lionceaux proposés au pay-to-play sont issus de fermes d’élevage. Une fois grands, ils retourneront dans ces mêmes fermes pour se reproduire un peu avant d’être vendus à des chasseurs de trophées pour finir dans ce qu’on appelle l’industrie de la chasse en boîte : tuer, dans un enclos, un lion né en captivité. Crâne, griffes et fourrure seront donnés comme trophées au chasseur, tandis que les os seront exportés pour être vendus sur le marché noir chinois. Sur ce même marché noir, vous trouverez également de nombreux produits fabriqués à partir des corps des bébés tigres que vous aurez câlinés pendant des vacances en Chine ou en Thaïlande, abattus une fois adultes pour être vendus. En Afrique du Sud en 2016, les fermes d’élevage de lions, plus de 200, possédaient entre 6000 et 8000 félins. En Chine, plus de 5000 tigres vivent dans les mêmes conditions. Aux Etats-Unis, le succès du pay-to-play, et la vente à des particuliers des jeunes félins devenus ingérables (quand ils ne sont pas euthanasiés…), qui parfois monteront à leur tour leur élevage pour faire du profit par le pay-to-play, fait que plus de 10 000 tigres vivraient dans les arrière-cours des américains ! Alors qu’il reste dans la nature moins de 20 000 lions, et moins de 4000 tigres…

 

Comment reconnaître du pay-to-play ?

Il existe plusieurs moyens de reconnaître un vrai refuge d’un centre de pay-to-play déguisé en refuge :

  • Un vrai refuge essaye d’offrir les meilleures conditions de vie possibles aux animaux, ce qui signifie de la place, de la végétation, de quoi s’occuper, une alimentation adaptée et des soins vétérinaires. Les stéréotypies maladives et autres troubles du comportement de ce type sont donc peu fréquents car les animaux sont bien dans leur corps et leur tête.
  • Un vrai refuge ne fait pas de reproduction. De cette manière, la place disponible servira à accueillir des animaux dans le besoin.
  • Un vrai refuge ne propose pas d’interactions avec ses animaux, surtout pas contre paiement. Pour un animal d’espèce sauvage, être touché amène beaucoup trop de stress.
  • Un vrai refuge n’achète aucun animal. Il se voit confier des animaux par des particuliers devenus incapables de s’en occuper, ou par la justice (saisies dans les cirques, laboratoires, douanes…). On pourra donc vous raconter dans les détails l’histoire de chaque animal.
  • Un vrai refuge a le soutien des autorités et d’associations de protection des animaux sérieuses.
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Si des bébés sont en permanence proposés en interaction contre paiement, si on ne vous donne pas d’explications claires et précises concernant l’origine et le devenir des animaux, s’il y a régulièrement de la reproduction, si les troubles du comportement sont nombreux et les conditions inadéquates au bien-être animal…alors vous êtes certains que vous n’avez pas à faire à un refuge, mais qu’on vous propose simplement du pay-to-play pour l’argent. L’animal n’est alors qu’un outil servant la cupidité humaine, et son avenir ne s’annonce pas très rose…

Commentaires

  • Florence Haubraiche

    1 Florence Haubraiche Le 28/04/2017

    Laissez les animaux libres et sauvages si vous les aimez et les respectez.

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