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Le lynx ibérique - Histoire d'un sauvetage réussi

Photos Wikimedia Commons et Kelly Renard, merci de sa contribution (tous droits réservés)

Le lynx ibérique – Histoire d’un sauvetage réussi

Le lynx ibérique, aussi appelé lynx pardelle ou lynx d’Espagne (Lynx pardinus) est un félin endémique à la péninsule ibérique (Espagne, Portugal, autrefois possiblement aussi le Sud-Ouest de la France). En tant qu’espèce, il détient le triste titre de félin le plus menacé au monde. Lorsque la situation était la plus préoccupante, au tout début des années 2000, il restait moins de 100 lynx ibériques à l’état sauvage. Vingt ans plus tard, ils sont plus de 1000.

Pourquoi le lynx ibérique s’est-il retrouvé dans une situation si critique ? Comment a-t-il été sauvé ?

Lynx pardelle au Natur'zoo de Mervent - (c) Kelly Renard, tous droits réservés

Les raisons du déclin

En 1960, la population de lynx ibériques était estimée à environ 50 000 individus. Dans les années 1980 il en restait à peine plus d’un millier, et seulement une centaine au début des années 2000. Comment expliquer ce déclin extrêmement rapide ?

Evolution de l'aire de répartition du lynx pardelle entre 1900 et 2014 - Panneau du centre d'élevage de Silves (Portugal)

Un seul coupable dans tout cela : l’homme. Au cours du vingtième siècle, les populations de lynx ibérique se sont retrouvées de plus en plus isolées les unes des autres en raison de la fragmentation de leur habitat, avec le développement des villes et de l’agriculture intensive. Braconnage et accidents de la route ont aussi contribué à nombre de décès, mais le coup de grâce a été porté par la disparition des proies des félins. Le lynx ibérique est en effet un prédateur spécialisé : plus de 90% de son régime alimentaire est constitué par le lapin de garenne. Pour limiter la population de ce lapin, considéré comme un nuisible, l’homme a introduit dans les populations sauvages deux maladies : la myxomatose et le virus hémorragique du lapin. Ces virus ont été si efficaces que la population de lapins de garenne a diminué de plus de 90% en Espagne entre 1960 et 2007, ayant pour conséquence d’affamer les lynx, qui ont drastiquement décliné à leur tour. A ce moment-là, il ne reste plus que 3 populations isolées dans le Sud de l’Espagne, dans les parcs nationaux de Donana, de la Sierra Morena et de la Sierra de Andujar.

By Generalitat de Catalunya, Attribution, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=69678271

            Saliega, la pionnière

Si l’Espagne entame dès les années 1990 la construction du premier centre d’élevage en captivité du lynx ibérique, El Acebuche, situé au sein du parc national de Donana, il faudra quelques années pour que les premiers lynx y soient installés. En attendant, c’est le zoo de Jerez qui prendra en charge les premiers félins du programme : les femelles Esperanza (née en 2001), Saliega et Aura (nées en 2002) et le mâle Cromo (né en 2003). Il s’agit dans le cas des 4 de chatons nés à l’état sauvage : parmi des portées repérées dans la nature, le chaton le plus faible, et donc qui avait le moins de chances de survie dans la nature, était prélevé pour le programme. Ils sont transférés en 2003 à El Acebuche, où les rejoignent rapidement d’autres individus issus de la nature : soit des chatons prélevés comme eux, soit des lynx trouvés blessés. C’est ainsi qu’en décembre 2004, la femelle Saliega, devenue adulte, fait la rencontre de Garfio, un mâle de 3 ans. Et le miracle se produit : le 28 mars 2005, vers 20 heures, Saliega donne naissance à 3 chatons, la première portée viable de lynx ibérique née en captivité.

Saliega et sa première portée - By http://www.lynxexsitu.es - http://www.lynxexsitu.es/index.php?accion=fotos&id=20#lince, CC BY 3.0 es, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=27381075

Deux femelles, Brisa et Brezina, et un mâle, Brezo, grandissent paisiblement durant leurs premières semaines aux côtés de leur mère Saliega qui s’en occupe à merveille. Dans le but de rendre ces petits le plus sauvage possible, le contact humain est réduit au strict minimum (soins médicaux) et la famille est surveillée grâce à des caméras. Problème : il s’agit d’une première, aucun lynx ibérique n’avait jusque là grandi en captivité, et les scientifiques en charge du programme ne connaissaient donc pas tout encore du comportement de ces félins. Début mai 2005, c’est le drame : Brezo, le petit mâle, attaque violemment sa sœur Brezina, le chaton le plus faible de la portée. Dans le combat, Brezina est tuée, et Brezo blessé. Il est retiré à Saliega, tandis que le dernier chaton, Brisa, lui est laissé. C’est la découverte d’un comportement qui était autrefois certainement utile aux lynx ibériques, mais devient un énorme problème alors qu’ils sont si menacés : lorsque les chatons commencent à manger de la viande, les plus forts attaquent les plus faibles, et cela peut aller jusqu’à la mort de l’un d’eux. Désormais avertis, les responsables du programme vont par la suite séparer les chatons les uns des autres pendant cette période fratricide, puis une fois calmés les regrouper de nouveau avec leur mère pour qu’elle leur apprenne à chasser.

By http://www.lynxexsitu.es - http://www.lynxexsitu.es/index.php?accion=fotos&id=20#lince, CC BY 3.0 es, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=27381068

Saliega aura un total de 16 petits, jusqu’en 2013 où, suite à une tumeur mammaire, décision est prise de la stériliser. Là encore, elle sera l’objet d’une première : lors de la stérilisation, ses ovocytes restants sont prélevés et congelés. Ces cellules permettront peut-être un jour d’obtenir de nouveaux embryons de lynx pardelle. Il s’agit dans tous les cas d’un réservoir génétique d’importance. La procédure sera répétée par la suite à chaque stérilisation d’un individu trop âgé pour le programme d’élevage. Saliega sera ensuite transférée en janvier 2014 au zoo de Jerez, là où elle avait grandi, désormais visible du public et devenue ambassadrice de son espèce si menacée. Elle y mourra de vieillesse en 2019, au bel âge de 17 ans. La même année, un documentaire consacré au programme de réintroduction du lynx ibérique lui rend hommage : Le retour du lynx ibérique, la lignée de Saliega (diffusé en France sur la chaîne Animaux).

Saliega et un de ses premiers chatons - By http://www.lynxexsitu.es - http://www.lynxexsitu.es/index.php?accion=fotos&id=17#lince, CC BY 3.0 es, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=27380404

            Retour à la nature

A partir de la première portée de Saliega, qui a permis aux scientifiques d’en apprendre davantage sur la reproduction du lynx ibérique, le succès du programme d’élevage n’a fait que se confirmer. Après El Acebuche, 3 autres centres ouvrent entre 2006 et 2011 : Granadilla et La Olivilla en Espagne, Silves au Portugal. C’est à La Olivilla que naît en 2009 la première portée issue de 2 parents nés eux-mêmes en captivité. Cette année-là, déjà 27 jeunes lynx étaient nés au sein du programme, un nombre suffisant pour débuter les réintroductions.

En parallèle, d’autres mesures sont prises pour assurer la survie des félins : relâcher de lapins de garenne, leur proie principale, non affectés par les virus qui ont décimé ce petit animal les décennies précédentes, établissement de nouvelles zones protégées, informations à la population…

A partir de 2009, des lynx nés en captivité sont relâchés dans différentes régions d’Espagne. En 2014, le succès du centre d’élevage de Silves permet également de débuter les relâchers au Portugal. L’opération est un tel succès qu’en 2014 l’espèce passe d’un classement UICN de « en danger critique d’extinction » à « en danger ». Le lynx ibérique n’est pas tiré d’affaire, mais les efforts de l’Espagne et du Portugal paient, et la population continue d’augmenter. En plus des 3 populations déjà existantes en 2005, toutes en Andalousie, d’autres ont été établies dans la même zone, dans la région de Tolède, en Estremadure et dans le Sud du Portugal. Une autre excellente nouvelle : ces lynx se reproduisent bien dans la nature, et voyagent ! Ils sont en voie de conquérir d’autres parties de la péninsule ibérique. C’est ainsi qu’en 2018, un mâle de 4 ans nommé Litio, né en captivité à El Acebuche et relâché au Portugal en 2016, a été retrouvé près de Barcelone : il avait parcouru plus de 1000 kilomètres !

En 2011, la population de lynx ibériques était estimée à 1111 individus, soit un nombre multiplié par dix en vingt ans.

Relâcher d'un lynx en présence de la reine d'Espagne en 2014 - By Gobierno de Castilla-La Mancha - https://www.flickr.com/photos/gobjccm/17253838091/, CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=51458990

            L’avenir du lynx ibérique

Même si la population augmente, les lynx ibériques ne sont pas encore tirés d’affaire.

Le programme de réintroduction continue donc, et essaie de mettre l’accent sur la diversité génétique des félins : le lynx ibérique, à la population si réduite au début des années 2000, est en effet le félin présentant à ce jour la plus faible diversité génétique en tant qu’espèce. Les lynx de la population originale de Donana, en particulier, se sont avérés très consanguins, mais tout de même génétiquement différents de ceux de la Sierra Morena et de la Sierra de Andujar, en raison de leur isolement les uns des autres.

Dans les programmes d’élevage, des félins de différentes provenances ont donc été accouplés pour maximiser la diversité, mais ce goulot d’étranglement génétique récent cause tout de même des fragilités. En 2007 plusieurs lynx sont morts du virus FeLV (leucémie féline), et en 2013 a été découverte chez ces félins une bactérie digestive qui complique les traitements par antibiotiques. La même année, un mâle testé positif au FIV (SIDA du chat) a été placé en quarantaine.

Autre menace : la route. On recense ainsi 14 décès par des collisions avec des véhicules en 2013, et 21 en 2014. Quelques cas de braconnage ont également été signalés.

Lynx pardelle à l'état sauvage - By Frank Vassen from Brussels, Belgium - Female Iberian Lynx (Lynx pardinus), La Lancha, Parque natural de la Sierra de Andújar, Andalucía, España, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=93035117

Pour que le programme perdure et continue d’être un succès, il est indispensable d’informer le grand public et de le sensibiliser à la cause du lynx ibérique. C’est pour cela que quelques lynx retirés du programme d’élevage, car trop vieux ou stériles, sont placés dans des parcs zoologiques. Ils permettent ainsi de faire connaître leur espèce au plus grand nombre, et de la faire aimer. Si Jerez a été le premier zoo espagnol à présenter cette espèce, en raison de son importante contribution au programme d’élevage, 4 autres parcs en Espagne présentent aujourd’hui des lynx ibériques : Madrid, Murcia, Cordoba et Estepona. Au Portugal, Lisbonne accueille un couple depuis 2014. Enfin, le seul endroit en dehors de la péninsule ibérique où admirer ces lynx se trouve en France, où le Natur’zoo de Mervent, en Vendée, a eu l’honneur d’accueillir en juin 2021 Fruta, une femelle de 12 ans, et son fils K5. Le lieu où vous rendre, admirateurs francophones des félins, pour observer cet animal emblématique d’un programme de sauvegarde réussi !

Lynx pardelle au Natur'zoo de Mervent - (c) Kelly Renard, tous droits réservés

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